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découvertes littéraires et musicales de jipé oméga
17 février 2015

Notes sur le festival Présence 2015

 

         Le thème du festival Présence de ce mois de février est « Les deux Amériques », c'est à dire celle du nord et l'Amérique latine. L'intelligence du programme réside d'abord dans le refus de privilégier les deux grandes tendances auxquelles on réduit souvent la musique américaine : l'avant-garde et le minimalisme. Certes, des compositeurs vedettes comme John Adams et Steve Reich figurent dans la programmation, mais ils n'occupent pas le haut de l'affiche, et laissent une large place aux autres voix de la musique américaine. Un autre équilibre a été trouvé entre les œuvres nouvelles (très nombreuses) et des œuvres plus anciennes, comme celles de Conlon Nancarrow et d'Evencio Castellanos (enregistrée sur l'album « Fiesta » de Gustavo Dudamel). Enfin, cette vingt-cinquième édition du festival de musique contemporaine revêt une dimension sociale, puisque les organisateurs se sont associés au programme d'éducation vénézuélien El Systema, dont sont issus la plupart des chefs qui dirigent les orchestres.

      Impossible de passer en revue toutes les œuvres jouées durant les quatorze concerts. Je m'en tiendrai donc, avec une partialité assumée, à celles que j'ai préférées.

 

         Le concerto sacra, pour hautbois et Orchestre, de Richard Dubugnon, a été joué en création mondiale le 6 février par Olivier Doise et l'orchestre philharmonique de Radio France dirigés par un jeune chef Venezuelien, Manuel Lopez-Gomez. C'est la seule œuvre européenne du programme, mais aussi l'une des plus belles. Le compositeur suisse s'inscrit dans une tradition déjà ancienne, où on reconnaît les traces d'Olivier Messiaen, de Jean-Louis Florentz, et surtout d'Henri Dutilleux. Mais, au-delà de ces repères facilement identifiables, Richard Dubugnon suit l'exemple d'un grand explorateur comme Picasso : il ne cherche pas, il trouve ! Chaque mesure ou presque de son concerto expose une idée à la fois neuve, géniale et limpide. L'auditeur entre d'abord dans un monastère où un carillon appelle à la prière. C'est le sens du titre : chacun des trois mouvements représente une heure et une prière de la journée monastique. Au carillon, se mêle un hautbois aux sonorités si distordues qu'on y reconnaît à peine l'instrument, et qui produit pourtant une harmonie extraordinaire. Puis l'orchestre prend la place du carillon, un orchestre d'une richesse toujours exceptionnelle par ses sonorités, sa polyphonie et sa polyrythmie. Tout-au long de l’œuvre, le hautbois revêtira tour à tour les sonorités saturées des premières mesures, tantôt un timbre suave rappelant parfois celui de la flûte. Le caractère qu'il ne perd jamais, c'est sa légèreté. Le dernier mouvement s'ouvre sur un merveilleux contrepoint entre le soliste et les cordes, et se referme sur un carillon quasi identique à celui qui avait commencé l’œuvre.

 

        Le concerto pour violoncelle de l'argentin Esteban Benzecry a été créé le même jour avec Gautier Capuçon en soliste. C'est un concerto de facture classique, en trois mouvements, qui explore toutes les possibilités de l'instrument. Ses rythmes, pour la plupart empruntés aux musiques traditionnelles d'Amérique latine, sont d'une grande richesse. Gautier Capuçon, pour qui l’œuvre a été composée, y ajoute son énergie et son lyrisme. Les premières mesures, en particulier, comme celles de l’œuvre précédente, font entrer l'auditeur dans un univers inédit grâce à des sonorités qui font résonner aussi bien les basses que les harmoniques du violoncelle. Le tempo rapide en fait d'ailleurs une entrée en matière très virtuose.

 

       Suspend est une fantaisie pour piano et orchestre du jeune compositeur américain Andrew Norman, jouée pour la première fois en France le jeudi 12 février, par Inon Barnatan et l'orchestre national de France dirigés par le jeune chef américain James Gaffigan. Le choix du terme fantaisie de préférence à concerto est sans doute dû au caractère rêveur de cette œuvre. Elle commence par quelques notes du pianiste, rares et résonnantes. L'orchestre s'enrichit à mesure que le jeu du soliste se complexifie, toujours dans une harmonie créée par des notes qui résonnent longuement. L’œuvre se termine par un caractère voisin de son début : une improvisation au piano sur l'accord de fa majeur, accompagnée par un orchestre lointain, qui semble se détacher du soliste, comme si celui-ci devenait indépendant des autres musiciens.

 

       Le concerto pour clarinette de l'américain John Corigliano est une œuvre qui remonte à 1977. Elle a été interprétée le 13 février par Paul Meyer et l'orchestre philharmonique de Radio France dirigés par un autre jeune chef vénézuélien issu d'El Systema : Domingo Hindoyan. Deux mouvements vifs très virtuoses encadrent un adagio digne des concertos de Mozart et de Weber. Comme dans ces deux œuvres anciennes, l'orchestre, où dominent les cordes, soutient une clarinette haut perchée qui joue de longues notes tenues. Les harmonies sont dissonantes si on s'en tient à la conception classique, et pourtant toujours suaves pour le mélomane du XXIEME siècle. 

 

        Aucun de ces morceaux, sauf peut-être le dernier, n'a fait l'objet d'un enregistrement sur CD. Par contre, on peut les écouter en ligne, notamment (mais seulement quelques semaines) sur le site de France Musique.

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